portraits indiens

rajasthan, inde, juin 2007

même après l’agitation des rues étroites de kathmandou, l’arrivée à varanasi a été tout un choc. il n’y a plus de rues dans la vieille cité sacrée, que des ruelles labyrinthiques parfois uniquement assez larges pour ne laisser passer qu’une personne. quand on s’y perd, et je m’y perdais tout le temps, on est bousculé par la foule de passants et de pèlerins qui s’y croisent sans cesse, on manque de se faire écraser par les motos qui roulent à vive allure, alors que c’est impossible. les vaches et les chèvres se promènent librement, en se nourrissant des déchets alimentaires jetés au sol, des pommes de terre ou fruits distribués par les habitants ou volés aux marchands distraits. se promener dans ces ruelles est un régal pour les yeux, avec un flot humain qui déambule dans toute sa diversité et ses couleurs : des femmes fières dans leurs saris éclatants, des sikhs aux barbes épaisses et turbans colorés, des musulmans en longues vestes blanches, des écoliers en uniforme, des charmeurs de serpent en jupe traditionnelle indienne ou encore des policiers sanglés dans leurs uniformes kakis et généralement affublés d’une généreuse moustache.

et puis à varanasi il y a les ghats, ces accès au gange, ce fleuve sacré qui est le cœur spirituel de l’inde. les gens s’y baignent quotidiennement, y font leurs ablutions et dévotions quotidiennes, y lavent leurs vêtements, y plongent leurs morts avant et après crémation et en boivent son eau même si c’est un des fleuves les plus pollués du monde. tout un monde se déroule le long des ghats, avec des vendeurs de toutes sortes, des sadhus distribuant des tilaks sur le front des pèlerins, des pécheurs qui tentent leur chance, des joueurs de tabla, des barbiers qui attaquent leurs clients à coups de grands rasoirs, des bateliers à la poursuite de touristes, des jeunes qui jouent au criquet, des femmes qui font sécher leurs saris ou encore des pratiquants de yoga en méditation.

mais malgré son charme, cette ville est éreintante, en raison de la chaleur qui y règne en juin avant la mousson tant attendue, du bruit et du mouvement constants, du chaos permanent, des bouses de vaches et des tas d’ordures qui encombrent les ruelles déjà surpeuplées, de la pauvreté omniprésente, des harcèlements constants de tous les vendeurs, guides supposés ou mendiants, ou encore en raison des risques incessants de se faire accrocher par une moto, un tuk-tuk ou un rick-shaw. et puis en inde rien n’est facile, même un simple déplacement pour changer un billet d’avion, pour réserver un billet de train ou poster un paquet demande une grande dépense d’énergie. alors pour échapper au tumulte et au stress, je me réfugiais dans la sérénité toute relative des ghats où, en observant les simples rites de la vie, je pouvais comprendre l’attraction que cette ville fantastique exerce depuis des milliers d’années, et je me laissais séduire…

le regard des autres

tout le reste de mon voyage en inde, d’agra au rajasthan en passant par une virée non voulue au cachemire, a été essentiellement basé sur les émotions vécues à varanasi. avec la poursuite de ma quête débutée au népal, ma quête de cette lumière dans les yeux des gens rencontrés, de cette connexion, même fugace, avec l’autre. mon intérêt pour les portraits s’est révélé au népal et affirmé au cours de mon voyage indien. bien sûr j’ai visité des tas de temples ou édifices, bien sûr j’ai vu de splendides paysages ou monuments, mais aucun ne m’a donné autant de satisfaction et d’émotion que le fait de plonger dans le regard de ces passants, de capturer leur beauté, de saisir une parcelle de leur vie, de figer leur réalité. pour chaque portrait réalisé, il y en a mille ratés ou non osés, par maladresse ou par manque de temps, par gêne ou par pudeur. c’est durant mon périple en asie, et particulièrement en inde, que j’ai vraiment pris conscience que mon vrai voyage ne consistait pas à rechercher de nouveaux paysages, mais à rencontrer le regard des autres.

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