si beau tibet

drapeaux de prières, tibet, mai 2007

quand j’étais jeune, je dévorais les « tintin » avec avidité et j’en avais deux favoris : « tintin et le temple du soleil », qui se déroule au pérou, et « tintin au tibet ». j’aimais tout particulièrement ce second album pour ses paysages de montagnes enneigées et son fabuleux yéti si gentil et pour les lévitations des moines qui m’amusaient tant. mais je l’aimais aussi pour sa célébration de l’amitié, où tintin traversait la moitié du monde pour aller au secours de son ami tchang disparu. une histoire simple, sans beaucoup de personnages, mais qui me faisait chaud au cœur. il est des rêves de jeunesse qu’on ne doit pas laisser s’éteindre : je suis allée au pérou en 2002 et me voici au tibet en 2007…

je suis partie de xi’an pour lhassa dans ce fameux train qui a déjà fait beaucoup couler d’encre, tant en raison des prouesses technologiques qu’il a fallu mettre en place pour sa construction et pour la rapidité avec laquelle les chinois l’ont construit, que pour l’aggravation de la situation que cela va forcément provoquer au tibet, que ce soit par un afflux de colons chinois ou par l’accélération du pillage des biens tibétains. le trajet dans sa dernière partie est splendide et le voyage en vaut vraiment la peine, tant pour les paysages que pour les rencontres qui ne manquent pas de se faire durant le parcours. grâce à une arrivée progressive, le trajet durait quand même 36 heures et passait par un pic à près de 5100 mètres, l’acclimatation à l’altitude de 3700 mètres de lhassa s’est très bien déroulée : on m’avait conseillé de boire beaucoup de thé au lait de yack sucré, ça a fonctionné apparemment.

lhassa, ville mythique

et puis c’était l’arrivée à lhassa, ville fascinante, perdue, lointaine, énigmatique… elle vaut encore le détour, même si l’occupant chinois ne se prive pas de saccager le patrimoine culturel tibétain. elle vaut le détour pour ses nombreux temples et monastères, pour les montagnes qui l’encerclent, mais surtout pour ses milliers de pèlerins qui viennent de partout au tibet. ils forment une foule bigarrée et très colorée, où l’on retrouve les différents types de costumes régionaux, et où même les habitants tibétains de lhassa viennent ajouter leur touche plus ou moins exotique. outre les tibétains, lhassa est aussi peuplée de chinois qui demeurent dans l’ouest de la ville, dans les nouveaux quartiers aux immeubles hideux, alors que les tibétains demeurent dans l’est, notamment dans les ruelles labyrinthiques du quartier barkhor, autour du temple jokhang. c’est autour de ce grand temple que les pèlerins parcourent le « kora » (cheminement rituel autour d’un lieu de culte, dans le sens des aiguilles d’une montre), parfois en faisant tourner les mani khorlo ou petits moulins à prières, puis ils se prosternent à de nombreuses reprises devant ses portes, avant de finalement y pénétrer pour aller rendre hommages aux différents bouddhas qui le peuplent. certains font se rituel chaque jour, généralement tôt le matin ou en fin d’après-midi : cela permet de commencer ou finir le cycle d’une journée par un autre cycle. impossible de ne pas ressentir la ferveur de ces pèlerins, leur sérénité, leur zénitude : ils sont beaux, elles sont belles dans leurs recueillement, dans la récitation continuelle de leurs mantras, dans l’égrainement de leur mâlâ (chapelet à 108 grains)…

bien sûr, il est également impossible de rater le potala, cet ancien palace des dalaïs-lamas, tant son immense structure asymétrique est imposante. je ne me décidais pas à le visiter, en raison de ce qu’il ne représente plus depuis que le gouvernement tibétain est en exil et aussi parce que seules quelques petites parties sont accessibles le long d’un parcours bien délimité. mais un courriel de ma mère me soulignant toute sa fascination pour cette construction fit pencher la balance et j’ai donc effectué la rituelle visite du potala. j’ai même réussi à contourner les règles strictes de contrôle des visiteurs en ne m’inscrivant pas la veille comme il se doit, mais en me pointant à l’improviste et en plaidant que mon avion décolle le lendemain. a quelques reprises, la légendaire rigidité chinoise s’est montrée d’une étonnante souplesse, je dois le signaler. mais la même journée j’ai aussi assisté à une brève scène de brutalité policière qui m’a glacé le sang : devant le temple jokhang, une femme était poursuivie par un policier qui lui a asséné un violent coup de matraque qui, par chance, s’est écrasé sur son sac, brisant certains des objets qu’elle essayait de vendre… ici la présence policière est encore beaucoup plus présente qu’à beijing et des petits attroupements de policiers sont installés en permanence dans les endroits publics, à l’ombre de parasols généralement. on ne peut pas être à lhassa sans ressentir l’étreinte implacable que le gouvernement chinois exerce sur cette région et ce peuple si paisibles.

en voyageant un peu à l’extérieur de lhassa, on se heurte constamment à des contrôles policiers : 10 en l’espace de 4 heures de trajet. et il s’agissait d’une région qui ne nécessite pas de permis particulier. car la plupart des régions réclament des permis spéciaux pour circuler. c’est d’ailleur ainsi que je me suis trouvée empêchée de suivre ma route originale entre lhassa et katmandou, en raison d’un resserrement des règles pour la circulation des voyageurs indépendants suite à une manifestation pro-tibétaine au camp de base de l’everest (que je me promettais de visiter). dans le contexte des jeux olympiques de pékin en 2008, la flamme va passer par l’everest et un groupe d’alpinistes chinois s’apprêtaient à faire l’ascension afin de vérifier si la flamme peut brûler jusqu’au sommet, même avec la raréfaction de l’oxygène. des manifestants américains ont alors déroulé une banderole reprenant le slogan olympique chinois « one world, one dream » et y ajoutant « free tibet 2008 » (un monde, un rêve, un tibet libre en 2008) : 15 minutes après ils étaient arrêtés et ont été interrogés durant deux jours avant d’être finalement reconduits à la frontière népalaise toute proche. et comme le gouvernement chinois n’a pas du tout apprécié, ils ont raidi toutes les règles et c’est devenu beaucoup plus compliqué de se déplacer au tibet, tout particulièrement pour se rendre dans la zone sensible du pied de l’everest, donc la route qui se rend au népal.

rappel historique et politique

pour bien saisir pourquoi la situation est si tendue au tibet, il est bon de se remémorer quelques faits marquants, même si ça fait un long texte… d’abord il y a eu l’invasion chinoise de 1950 (ils la nomment « la libération ») et l’occupation progressive du territoire, avec une réduction du chef du gouvernement tibétain alors en place, le dalaï-lama, à un rôle de figurant. puis après quelques tentatives de révolte par le peuple, l’armée chinoise extermine environ 15′000 tibétains en 1959, mais le dalaï-lama eut le temps de fuir vers l’inde où il réside toujours. ensuite ce fut la révolution culturelle chinoise et sa persécution systématique de tout ce qui avait trait à la religion ou à la bourgeoisie, les gardes rouges se montrant particulièrement sauvages au tibet dans leurs exactions, poussant notamment les tibétains à la famine : en trente ans, plus d’un million de tibétains sont morts, des dizaines de milliers ont été utilisés comme esclaves et des milliers de monastères ont été détruits. sans parler de la déforestation ou du fait que le tibet historique a été amputé de 60% de son territoire, redistribué dans les provinces chinoises avoisinantes.

il a fallu la mort du dirigeant mao zedong en 1976, pour que la situation s’améliore et que le dialogue reprenne tranquillement entre les autorités tibétaines en exil et le gouvernement chinois. c’est particulièrement avec l’arrivée au pouvoir de deng xiaoping au début des années 80 que le gouvernement chinois a assoupli sa position. notamment depuis 2001, le fil du dialogue semble renoué, avec des rencontres annuelles entre les deux parties, la dernière s’étant déroulée à beijing au début 2006. pour ne pas compromettre les discussions en cours, les autorités tibétaines en exil ont d’ailleurs demandé à leurs partisans de s’abstenir de toute action pouvant heurter le gouvernement chinois. il faut néanmoins que la situation s’améliore rapidement et que le tibet retrouve sinon une indépendance totale, du moins une véritable autonomie, car si la chine a abandonné sa politique de persécution systématique, elle a maintenant mis en place une politique plus sournoise d’assimilation que le dalaï-lama dénonce comme étant un génocide culturel. d’ailleurs le dalaï-lama demeure l’ennemi public numéro 1 chinois et toutes ses représentations sont totalement interdites…

l’espoir vient essentiellement d’inde où encore aujourd’hui quelques 3000 tibétains fuient à travers l’himalaya chaque année, en dépit du danger. le gouvernement tibétain en exil a d’ailleurs mis sur pied différents centres d’accueil pour ces réfugiés, à katmandou, dehli et dharamsala (lieu de résidence du dalaï-lama en inde). la plupart de ces réfugiés sont des moines ou nonnes qui s’exilent pour échapper aux campagnes de rééducation qu’ils subissent constamment. ils s’assurent aussi de recevoir leur formation traditionnelle puisque plus de 200 monastères bouddhistes tibétains ont été construits en inde et au népal, ce qui redonnent vie aux monastères détruits par les chinois. c’est ainsi que, notamment, les trois grands monastères de lhassa, drepung, ganden et sera ont été reconstitués à l’étranger, même si d’intenses travaux de reconstruction sont en cours dans les établissements originaux au tibet. il faut préciser que même si certains monastères ont été restaurés et sont à nouveau accessibles, ils sont davantage une façade de bonne conscience pour les chinois et une source de revenus puisque l’argent des touristes va droit dans leurs poches…

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